La Première Ministre, Judith Suminwa Tuluka, s’est exprimée par visioconférence, ce lundi 03 février 2025 à l’ouverture de la 31ème édition du Forum Investing in African Mining Indaba, qui se tient à Cape Town, en Afrique du Sud. Cette rencontre, qui réunit les chefs d’État et de gouvernement, les entreprises internationales du secteur minier ainsi que les organisations de la société civile, se tient dans un contexte particulier de l’agression de la République Démocratique du Congo, par le Rwanda sur fond de l’exploitation illégale de ses ressources minières congolaises.
Dès l’entame de son adresse, visage marqué, la Première Ministre n’a pas caché sa colère et son indignation face aux atrocités qui continuent d’être perpétrées par le Rwanda et ses supplétifs du M23 dans l’Est de la RDC. «En ce moment où je m’adresse à vous, les cris de détresse résonnent à travers mon pays, portés par une douleur indicible. La République Démocratique du Congo, notre patrie, est de nouveau frappée par une guerre inhumaine et lâche , orchestrée par la barbarie rwandaise », a-t-elle rappelé à l’assistance, non sans préciser que cette guerre est alimentée par des intérêts étrangers, dévastant au passage des milliers de victimes innocentes et laissant derrière elle une traînée de souffrance et de désespoir parmi les populations.
Saisissant cette occasion, la Cheffe du Gouvernement congolais révèle un paradoxe entre la volonté de son pays, riche en ressources naturelles, de participer efficacement à la pérennisation de l’exploitation minière africaine et la guerre lui imposée à cause de ces mêmes richesses. «Nos richesses minières, exploitées de manière illégale par certains pour financer la violence et alimenter les conflits, servant ainsi au commerce des minerais de sang », a dénoncé Judith Suminwa Tuluka.
Dans cet élan de condamnation des pays qui sèment la désolation dans sa partie Est, la RDC se veut reconnaissante vis-à-vis des nations qui se tiennent à ses côtés. Parmi elles figure l’Afrique du Sud, qui s’est engagée à défendre les intérêts de la RDC dans le cadre de la Mission de la SADC (SAMIDRC). Ainsi, au nom du Président Félix Antoine Tshisekedi, la Première Ministre a remercié le Président sud-africain, Cyril Ramaphosa, pour son « soutien offert dans ces moments douloureux de notre histoire. » Pour la Première Ministre, il s’agit d’un soutien crucial à la préservation de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de la RDC.
La patronne de l’exécutif congolais ne s’est pas empêchée de mettre en lumière les actions entreprises par la RDC, grand pays contributeur mondial minier, afin d’attirer plus d’investisseurs dans le secteur et ainsi profiter de ses ressources plutôt que d’en être victime. La RDC qui se distingue comme le premier producteur africain de cuivre et le premier producteur mondial de cobalt, avec 60% des réserves mondiales, mais aussi détenant 44,6 millions de tonnes de réserves identifiées de lithium, a assoupli ses exigences fiscales, prenant en considération l’équilibre fiscal, douanier et de change. Une réforme qui s’inscrit dans le cadre d’un partenariat entre l’Etat et les opérateurs miniers, afin de créer un climat des affaires favorable et durable, en vue d’encourager une exploitation minière saine et attrayante pour les investisseurs.
Pour la Première Ministre, le souhait de la RDC est que ces nombreuses ressources du pays soient exploitées par des investisseurs dans des conditions optimales, tout en préservant les intérêts des communautés directement impactées, mais aussi en respectant les obligations environnementales et sociétales.
Malgré les réformes entreprises pour assurer un climat favorable à l’exploitation minière, les minerais congolais continuent d’être utilisés pour soutenir des atrocités liées aux conflits armés. À ce sujet, la Première Ministre a attiré l’attention de tous les participants au Forum sur les enjeux de la traçabilité et de la certification des minerais dans le monde et plus particulièrement ceux en provenance de l’Est de la RDC. «La traçabilité des minerais n’est pas une option mais un impératif tant moral que stratégique. Chaque gramme extrait doit être suivi, contrôlé et certifié », a martelé la Cheffe du Gouvernement.
À travers la Première Ministre, le Gouvernement congolais dénonce l’inertie de la communauté internationale et de l’Union Africaine, relayant ainsi les propos du Président Félix Antoine Tshisekedi lors de sa récente adresse à la nation. «Le silence et l’inaction face à ces agissements constituent une offense à la RDC et une complicité inacceptable », constate Judith Suminwa Tuluka, sur un ton de déception.
Faire du secteur minier le levier du développement socioéconomique de l’Afrique entière, en nouant des partenariats solides, tel est le défi du Gouvernement congolais. La Première Ministre a clôturé son intervention par un appel à tous les gouvernements africains, au secteur privé, aux organisations de la société civile et aux communautés locales. « Agissons ensemble de manière constructive afin d’assurer une exploitation responsable au profit dede nos populations et de nos économies », a-t-elle interpellé. Au thème de cette édition : «Préparer l’avenir de l’industrie minière africaine dès aujourd’hui, Judith Suminwa répond : « L’exploitation minière doit être un levier de développement durable, et non un fardeau pour les générations à venir.»
HERVÉ KABWATILA