Lors de la messe de la Nativité célébrée ce soir à la cathédrale Notre-Dame-du-Congo de Lubumbashi, Mgr Fulgence Muteba Mugalu, président de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) et archevêque de Lubumbashi, a lancé une critique acerbe contre la gestion économique de la République démocratique du Congo (RDC). Dans son homélie, il a particulièrement ciblé les accords conclus avec les États-Unis sur l’exploitation des ressources minières, les qualifiant de » colonialisme économique » qui sacrifie le peuple congolais.
Dans un discours empreint d’émotion, Mgr Muteba a déclaré : » Brader les minerais pour sauver un régime, c’est sacrifier toute une nation (…) personne ne se préoccupe réellement de notre peuple. Il s’agit du colonialisme économique. » Ces propos, prononcés devant une assemblée nombreuse de fidèles et de dignitaires locaux, soulignent les tensions persistantes autour des ressources naturelles du pays, souvent au cœur des conflits armés et des enjeux géopolitiques.
« En entendant parler des accords sur notre pays, j’ai bien choisi mon expression, sur notre pays, la RDC, je suis porté à faire une petite réflexion à partir de l’incarnation de Jésus-Christ, à partir de ce que le Christ est venu apporter à l’humain dans ce monde. D’une part, je considère notre pays, la RDC, comme un riche homme malade qui est entouré de gens qui, au lieu de lui parler, au lieu de compatir avec lui, ont des yeux rivés sur l’héritage qu’il va laisser. Regardez un peu cette image-là. Un riche homme qui est atteint d’une maladie incurable et qui est entouré de gens envieux, qui, au lieu de le consoler dans sa maladie, mais eux, parlent déjà de son héritage. Étrange attitude qui soulève pas mal de questions, n’est-ce pas ? Au-delà des minéraux, je suis porté à affirmer haut et fort qu’il y a des gens, des gens dotés de dignité. Laquelle dignité vient de Dieu ? Il est absurde qu’on ne voit en RDC que des minéraux à prendre, surtout des minéraux qu’on appelle stratégiques. Cobalt, lithium, et bien sûr notre traditionnel cuivre. Et ce, pour répondre aux besoins de la transition énergétique. Voitures électriques, des pièces d’ordinateur, des pièces de satellite, des pièces de drone. Vous savez qu’on parle des couloirs. Il y en aura un, non loin d’ici, à 300 et quelques kilomètres, sinon plus, celui de l’hôpital. Fermez les yeux et pensez à cette expression, couloir, c’est-à-dire des passages inclinés vers l’extérieur de notre pays, des réseaux pour faire couler des minéraux vers l’extérieur. Et le tout sans d’abord se préoccuper des humains qui habitent sur ce territoire d’où on tire ces minéraux-là. Ces gens qui habitent ce territoire ont besoin de paix, ont besoin de développement. On a besoin de voir leur dignité respectée. On prend des décisions loin de là où ils habitent. On prend des décisions sur eux et pour eux. Tous ces accords dont vous entendez parler sont en réalité des accords de fausse amitié, des accords de coopération déséquilibrée, des accords de coopération de convoitise immodérée de nos ressources naturelles.Tout simplement. J’ai été à Doha pour rechercher la paix. J’ai lu dans les yeux de ce prince du pétrole, non pas d’abord, le désir de nous apporter la paix, de nous aider à nous en sortir, mais après avoir parlé de paix immédiatement, on a commencé à nous poser des questions sur les minéraux. Révoltants, je vous dis. Et pourtant, le Fils de Dieu est venu apporter à tous les hommes et à toutes les femmes de ce monde une certaine dignité. Votre dignité-là, ils s’en foutent. » A déclaré Mgr Fulgence Muteba Mugalu.
Et d’ajouter :
« Pourtant, nous sommes des gens qui n’avons pas choisi de vivre dans un territoire où le sous-sol est garni de minéraux. Personne ne se préoccupe réellement de notre paix, de notre développement. Malheureusement, certains d’entre nous y collaborent. Il y a, comme pour ainsi dire, un déséquilibre géostratégique. Il s’agit en réalité d’une nouvelle forme de colonialisme, ou plus précisément, le colonialisme économique. Alors, horrifié par cette idéologie qui sous-tend ces accords déséquilibrés, dont souffrent non pas seulement la RDC, mais aussi beaucoup des pays africains, l’Amérique du Sud et d’une partie de l’Asie.Alors, lors de sa visite apostolique dans notre pays, il y a trois ans, le pape François, d’heureuse mémoire, a adressé ces mots forts. On peut imaginer acquis des droits. Je n’ai pas coutume de mettre des citations dans mon homélie, mais cette citation est tellement d’actualité, elle permet d’éclairer par nous un nombre élevé de situations dont nous sommes victimes, que je suis obligé de vous la lire. Le pape François a dit ceci, à Kinshasa. « Après le colonialisme politique, un colonialisme économique tout aussi asservissant s’est déchaîné. Ce pays, c’est-à-dire la RDC, largement pillé, ne parvient donc pas à profiter suffisamment de ses immenses ressources. » A dit Mgr Fulgence Muteba Mugalu
Et de poursuivre :
« Le fruit de la terre, de sa terre, le rend étranger. Effectivement, ils sont étrangers à notre propre pays. Le poison de la cupidité a ensanglanté ces diamants. C’est un drame devant lequel le monde économiquement avancé ferme souvent les yeux, les oreilles et la bouche. Mais ce pays et ce continent méritent d’être respectés et écoutés. Ils méritent espace et attention.Et le pape de dire « Retirez vos mains de la RDC, retirez vos mains de l’Afrique, cessez d’étouffer l’Afrique, elle n’est pas une mine à exploiter, ni une terre à dévaliser. » Fin des citations. Êtes-vous au courant qu’on a signé un accord de 99 ans d’exploitation ? Vous êtes au courant de ça ? 99 ans. Pour 99 ans. En outre, en observant ce qui se passe, j’ai bien peur qu’après la guerre froide, des tristes mémoires, que la République démocratique du Congo ne devienne le champ de bataille de puissance occidentale. Avec la Chine. Tous les indicateurs démontrent que nous allons vers là. Et qui va en payer les prix ? C’est vous. Si ce n’est pas vous, vos enfants, vos neveux, vos nièces. » A noté Mgr Fulgence Muteba Mugalu
L’archevêque, figure influente de l’Église catholique en RDC, a rappelé que la RDC, riche en minerais comme le cobalt et le cuivre, est depuis des décennies victime d’une exploitation qui profite davantage aux multinationales étrangères qu’aux populations locales. Selon lui, les accords récents avec les États-Unis, signés dans le cadre d’initiatives de « sécurisation des chaînes d’approvisionnement » pour les technologies vertes, ne font qu’aggraver cette situation. » Ces partenariats, présentés comme des opportunités de développement, masquent en réalité une dépendance néocoloniale qui empêche notre nation de bénéficier pleinement de ses richesses », a-t-il ajouté.
HERVÉ KABWATILA































































