A l’occasion du 15ème anniversaire du rapport Mapping du Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme, qui documente les crimes internationaux commis en RDC entre 1993 et 2003, 75 Prix Nobel ont appelé à un sursaut international pour mettre fin à la tragédie congolaise.
Dans une tribune collective initiée par le docteur Denis Mukwege, ces personnalités soulignent que depuis 30 ans, la RDC est ravagée par de guerres répétées, de catastrophes humanitaires et de violations systématiques des droits humains et du droit international.
« Depuis trente ans, la RDC n’a connu aucun répit… Les exactions n’ont pas cessé depuis, et aucune action significative, ni au niveau national ni au niveau international, n’a été entreprise pour enfin les endiguer », déclarent-elles.
Comme Mukwege, les 74 lauréats du Prix fustigent le mutisme de la communauté internationale face à ce conflit, l’un des plus meurtriers au monde.
« Les crises qui ravagent la RDC depuis plus de trente ans sont entretenues par une impunité enracinée et un silence mondial persistant, menant au conflit le plus meurtrier depuis la seconde guerre mondiale, que l’on peut estimer à 6 millions de vies perdues », ont-ils déploré.
Les lauréats rappellent que la RDC, l’un des pays les plus riches en ressources naturelles, est également l’un des plus touchés par des crises humanitaires. Malgré des accords de paix, des groupes armés continuent d’opérer en toute impunité, exacerbant les souffrances de la population
Selon eux, cette situation est due au pillage systématique de ces minerais par ces groupes armés soutenus par l’étranger et blanchis par l’intermédiaire des réseaux opaques du Rwanda vers les marchés mondiaux, alimentant la guerre.
« La RDC regorge de minéraux stratégiques, essentiels pour la révolution numérique et la transition énergétique mondiale. Pourtant, la région reste pauvre et instable, en raison de l’exploitation violente et illégale de ses ressources naturelles. Celles-ci sont pillées par des groupes armés soutenus par l’étranger et blanchies par l’intermédiaire des réseaux opaques du Rwanda vers les marchés mondiaux, ce qui alimente la guerre et sape l’intégrité de la chaîne d’approvisionnement internationale », peut-on lire dans leur tribune.
« En dépit de multiples accords, plus de cent groupes armés et plusieurs armées étrangères opèrent toujours sur le sol congolais en toute impunité. La résurgence du groupe rebelle M23 en novembre 2021, soutenu par le régime de Kigali, a intensifié la crise. Environ 4 000 soldats rwandais auraient envahi les provinces du Nord et du Sud-Kivu, s’emparant de vastes territoires riches en minerais et provoquant le déplacement de millions de personnes. En 2025, plus de 10 millions de Congolais – soit quasiment la population de la Belgique – vivent désormais dans la peur, sous occupation », mentionne le même document.
De plus, les lauréats de ce prestigieux Prix ont dressé un tableau peu reluisant de la situation humanitaire dans les zones contrôlées par les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda.
« Selon l’ONU, le bilan humain est accablant : plus de 26 millions de personnes font face à une faim sévère; 7,8 millions sont déplacées à l’intérieur du pays; 1,6 million d’enfants sont privés d’accès à l’éducation en raison de la destruction ou la fermeture des écoles. Les violences sexuelles contre les enfants atteignent un niveau sans précédent : entre janvier et février, les enfants représentent entre 35% et 45% des cas signalés de viols et violences sexuelles – soit près de 10 000 victimes, ou une victime toutes les trente minutes. A la fin du mois de mars, le Plan de réponse humanitaire des Nations unies de 2025 n’était financé qu’à 8,2 %, privant ainsi des millions de personnes d’une aide vitale, et place la RDC en tête des crises les plus négligées au monde. Malgré ces conditions catastrophiques, la réponse diplomatique reste au mieux timide », regrettent-ils.
Cette tribune met également en lumière la complaisance de la communauté internationale qui mobilise les sanctions et suspensions d’aides dans d’autres contextes de conflit, mais tolère les actions du Rwanda en RDC.
« La nature des actions du Rwanda en RDC ne diffère pas fondamentalement de celles de la Russie en Ukraine, ce qui pose de lourdes questions sur les doubles standards mondiaux et sur la valeur accordée à la vie des Africains.
Les problèmes causés par l’homme nécessitent des solutions portées par l’homme. Aucun pays n’est au-dessus des lois. La communauté internationale se doit d’agir, de manière décisive et sans délai, pour mettre fin aux souffrances du peuple congolais, faire respecter la justice internationale et protéger le droit de chaque nation à la souveraineté et à la paix », ont-ils argué.
Face à cette situation inquiétante, les Prix Nobel exigent la mise en application de la résolution 2773 du Conseil de sécurité de l’ONU, qui appelle à un cessez-le-feu immédiat et au retrait des forces rwandaises.
Parallèlement, ils plaident pour l’organisation d’une conférence internationale pour placer la crise congolaise au sommet de l’agenda mondial, en créant une plateforme de haut niveau pour un dialogue vers une paix globale, juste et durable en RDC.
« Il ne s’agit pas uniquement d’une question congolaise. C’est une question mondiale. Chaque smartphone, ordinateur portable ou véhicule électrique contient probablement des minerais venus de RDC. Nous avons tous un bout du Congo dans nos poches », ont-ils martelé.
Mont Carmel Ndeo