Il y a 30 ans, le 03 avril 1994, mon père, Juvénal Habyarimana, et moi passions les derniers moments seuls entre père et fils. A 18 ans, j’étais loin de me douter que je passais mes derniers instants seul avec lui.
Pour recontextualiser les choses, les accords de paix d’Arusha venaient d’être signés en août 1993. Suite à la pression de plusieurs pays occidentaux, ces accords octroyaient 50% de l’armée ainsi que 1/3 du gouvernement et du parlement au Front Patriotique Rwandais .
La période de transition prévue par les accords devait aboutir à des élections générales. Or, les atrocités que le FPR commettait depuis 1990, laissaient présager avec que ce dernier n’avait aucune chance de gagner les élections.
En effet, après sa défaite du 30/10/1990, face à l’armée rwandaise (ex-FAR) appuyée par l’armée de l’ex-Zaïre (actuel RDC) envoyé en soutien au peuple frère agressé, le FPR a changé de stratégie et s’est réorganisé en guerilla. Une de leur strategie a été de massacrer des milliers de paysans innocents et ainsi vider les zones sous leur contrôle, jusqu’à ce qu’on arrive à plus de 1 million de déplacés fuyant le FPR, rendant ainsi la situation d’autant plus explosive dans le pays.
Notre père qui tenaitenait absolument à ce que ses enfants effectuent les 2 premiers cycles d’études dans des écoles publiques rwandaises, avait fini par nous envoyer, ma sœur et moi, étudier en Égypte en 1993 après avoir été informés par plusieurs services de sécurité étrangers sur l’intention du FPR de nous enlever pour faire préssion sur lui.
C’est dans ce contexte qu’en arrivant au Rwanda pour les vacances de Pâques 1994, nous avons trouvé des habitudes complètement changés. Nous qui avions l’habitude d’aller à l’école ou rendre visite à des amis avec juste un chauffeur, nous retrouvions désormais contraint de nous déplacer avec plusieurs gardes du corps chacun, donnant notre destination préalablement pour l’envoi d’une équipe d’avance.
Ces mesures sécuritaire contraignantes ne rendaient malheureusement plus nos sorties agréables, ce qui nous poussait à rester plutôt à notre résidence privée de Kanombe.
C’est alors que ce 03/04/1994 nous sommes partis pour un cours séjour à Gisenyi avec nos parents.
Ma mère, ma sœur et nos cousins ont pris la route en premier avec un convoi conséquent pour les raisons de sécurité.
Mon père et moi avons ensuite pris la route à notre tour avec son escorte. Nous étions juste deux dans la voiture durant ces 3 heures de trajet, lui au volant, moi en fidèle accompagnateur, friand des conversations avec ce père aimant mais dont les occasions de passer des moments privilégiés avec nous devenaient rares à cause de la situation d’alors.
Nous avons alors eu des conversations entre un père dont la joie d’avoir une autre occasion de transmettre ses valeurs se lisait sur le visage, et un fils qui avait cette soif permanente d’apprendre de son modèle de père.
Une grande partie de nos échanges ce jour-là m’anime encore aujourd’hui.
Arrivés à Gisenyi, nous avons retrouvé ma mère, ma sœur et mes cousins qui nous avaient précédé, et nous sommes alors rendus chez des amis de nos parents qui avaient organisé un déjeuner en présence d’autres amis.
Avait également été convié le représentant personnel du SG de l’ONU et chef de la MINUAR, le diplomate camerounais Jacques-Roger Booh-Booh.
Au cours de ce déjeuner, M. Booh-Booh fera une confidence à mon père dans ces termes : « M. le président, Paul #Kagame m’a dit qu’il va vous éliminer physiquement ».
Cette confidence faite par le patron de la mission de l’ONU chargée de ramener la paix à l’adresse du président qui a assuré la plus longue période de paix que le Rwanda n’ait jamais connu était pour moi la première preuve que Kagame est un véritable homme de terreur et de désolation.
30 ans après que le FPR et son chef n’aient décidé de suivre la voie de l’abîme et plonger le Rwanda et toute la région des Glands Lacs dans la désolation
la rédaction