Le Prix Nobel de la paix, Denis Mukwege a commenté le dernier rapport semestriel des experts de l’ONU sur la situation sécuritaire dans l’Est de la RDC.
Ce rapport confirme que le régime de Kigali dirige et contrôle de facto les opérations du M23 et les Forces de défense rwandaises (FDR) ont joué un rôle déterminant dans la conquête et l’occupation de nouveaux territoires et villes, notamment Goma et Bukavu.
« Ces sources fiables et concordantes attestent qu’il n’y a aucun doute que les militaires de l’armée Rwandaise ont mené en territoire congolais des incursions systématiques et massives et que les forces d’agression ont été positionnées en première ligne pour s’engager directement dans les combats en utilisant des armes de haute technologie », a-t-il déclaré .
Denis Mukwege a mentionné la dégradation de la situation humanitaire dans cette région où plus de 11 millions de congolais vivent entre la famine et la violence depuis l’offensive éclair des troupes rwandaises et du M23 en janvier 2025. Il affirme que cette offensive militaire a aggravé la crise humanitaire et augmenté le déplacement forcé des centaines de milliers de civils.
Paraphrasant ce rapport, le fondateur de Panzi note que l’objectif ultime de Kigali est de contrôler le territoire des Kivus et les ressources naturelles congolaises grâce à la mise en place par le M23/AFC d’administrations parallèles illégitimes, semblables à celles d’un État, démontrant une volonté d’annexer les territoires conquis.
« Ces révélations illustrent à nouveau que la prétendue préoccupation sécuritaire affichée par le régime de Kigali pour justifier ses mesures défensives et son interventionnisme en territoire congolais, à savoir la neutralisation des FDLR, est devenue un prétexte suranné et ne peut plus être invoquée comme une menace existentielle pour le Rwanda », a dénoncé le célèbre gynécologue congolais.
Dans sa déclaration, le candidat à la présidentielle de décembre 2023 a évoqué la question relative aux rebelles Hutus Rwandais ( FDLR), prétexte des interventions militaires de Kigali sur le territoire congolais.
Il estime que malgré d’innombrables opérations militaires et initiatives menées pour mettre fin à l’activisme des FDLR, tant par les autorités congolaises qu’en collaboration avec le Rwanda par le déploiement direct de troupes rwandaises sur le sol congolais, avec le soutien de la MONUSCO, l’effectif numérique d’éléments restants de ce groupe armé suggère que sa capacité résiduelle de nuisance de ceux qui ont participé activement au génocide est fortement réduite.
« Cette réalité met à mal le narratif avancé par le régime de Kigali qui continue d’endeuiller toute une région au nom de pseudo-mesures de sécurité », a-t-il argué précisant que plus de 6 millions de congolais sont morts depuis la fin du génocide au Rwanda.
A l’en croire, une partie importante des innombrables crimes ont été et continuent d’être commis directement par l’armée rwandaise ou par le truchement de rébellions téléguidées depuis Kigali, sous couvert de le même prétexte des FDLR.
« Les populations martyres de l’Est du Congo et la diplomatie internationale ne peuvent continuer de tolérer ce cycle répétitif de violences qui a pour objectif véritable le contrôle et l’accaparement des ressources minières congolaises », a-t-il martelé.
Dans ce cadre, le réparateur des femmes a appelé les autorités congolaises et la communauté internationale de s’impliquer de manière décisive en faveur du désarmement de ces citoyens rwandais opérant sur le sol congolais.
« Ceux qui en remplissent les critères pourront être réintégrés dans la société rwandaise. Cela permettrait, une fois pour toutes, de vider ce prétexte de sa substance afin qu’il cesse de justifier l’instabilité chronique, les millions de morts et les cycles de violence qui déchirent l’Est de la RDC depuis déjà trois décennies. Car, au-delà de leur enrôlement, ces individus restent des citoyens rwandais. Au moment même où des acteurs internationaux et des États s’impliquent pour trouver une solution pacifique à la dernière guerre d’agression déclenchée par le M23 avec l’appui direct et indirect du Rwanda, il y a urgence à éradiquer définitivement la question des groupes armés, notamment les FDLR et le M23, afin de donner une chance réelle à une paix durable et ouvrir la voie à une coexistence pacifique dans la région des Grands Lacs », a dit Denis Mukwege.
Face aux crimes commis en RDC, il a rappelé l’urgence de mise en œuvre de la justice transitionnelle afin que les responsables soient commandés.
Cependant, il fustige le fait que les mécanismes actuellement mis en place, « sacrifient la justice sur l’autel d’une paix fragile et illusoire ».
« Les Congolais ont droit à la justice, à la vérité, à des réparations et à des garanties de non-répétition des atrocités. Nous aspirons à ce que la Cour Pénale Internationale poursuive ses enquêtes et ses poursuites en RDC pour les faits commis après le 1er juillet 2002, date de l’entrée en vigueur du Statut de Rome, et nous encourageons également les États à utiliser le principe de la « compétence universelle
» pour mener des enquêtes et des poursuites sur les crimes graves commis en RDC, notamment ceux répertoriés dans le rapport Mapping », a préconisé le lauréat du Prix Sakharov 2014.
Somme toute, le Prix Nobel a réitéré son appel à des sanctions fortes et coordonnées contre les acteurs de la déstabilisation en RDC et à la mise en œuvre des prescrits de la résolution 2773 du Conseil de Sécurité, qui appelle à un cessez-le-feu sans condition, au retrait inconditionnel et immédiat de l’armée rwandaise du territoire congolais, et au démantèlement des administrations illégales implantées par le M23 et l’AFC au Nord et au Sud Kivu.
Mont Carmel NDEO