La réouverture de Bunagana, troisième poste frontalier du Nord-Kivu après la Grande Barrière à Goma et celui de Kasindi, actuellement sous contrôle des rebelles du M23 (Mouvement du 23 mars), suscite l’indignation du gouvernement congolais.
Après avoir exigé des explications de Kampala la semaine précédente, la ministre des Affaires étrangères, de Coopération internationale et de la Francophonie, Thérèse Kayikwamba Wagner, a convoqué ce jeudi 17 juillet l’ambassadeur ougandais accrédité à Kinshasa.
Selon un compte rendu du ministère, cette convocation fait suite à des développements récents jugés préoccupants par les autorités congolaises.
Lors de cette rencontre, la cheffe de la diplomatie congolaises a exprimé la position du gouvernement de la RDC, réaffirmant l’attachement de Kinshasa au respect de sa souveraineté et de son intégrité territoriale.
Située à la frontière avec l’Ouganda et non loin du Rwanda, la ville frontalière de Bunagana a toujours eu une importance stratégique, tant commerciale que militaire, en RDC. Cependant, depuis juin 2022, cet important centre de commerce transfrontalier est sous le contrôle total des rebelles du M23.
Dans un rapport remis en décembre 2022 au Conseil de sécurité, le Groupe d’experts des Nations unies sur la République Démocratique du Congo révélait que les taxes imposées par le M23 aux postes frontières de Bunagana et de Kitagoma contribuaient au financement de ses opérations militaires.
Selon ces experts, le mouvement collecte en moyenne 27 000 dollars américains par mois uniquement au poste-frontière de Bunagana grâce à des taxes illégales.
Pour éviter de financer le M23, le lieutenant-général Constant Ndima, alors gouverneur militaire du Nord-Kivu, avait interdit aux opérateurs économiques, aux commissionnaires en douane et aux commerçants d’importer ou d’exporter des marchandises via Bunagana.
La réouverture de ce poste frontalier intervient dans un contexte où l’Ouganda est accusé par l’ONU d’avoir soutenu activement le M23.
D’après un rapport publié le 8 juillet 2024, le groupe d’experts de l’ONU avait indiqué que, depuis la résurgence de la crise du M23, « l’Ouganda n’a pas interdit le passage des troupes du M23 et de l’armée rwandaise (RDF) sur son territoire, y compris lorsque le M23 a pris Bunagana le 12 juin 2022, avec le soutien de la RDF ».
Ces experts évoquent également des preuves attestant du passage régulier de troupes, de véhicules et de matériel militaire du M23 et de la RDF sur le territoire ougandais.
Depuis 2022, les combattants du M23 eux-mêmes ont régulièrement affirmé que les fournitures et les nouvelles recrues acheminées vers leurs camps passaient par les villes frontalières ougandaises de Kisoro et de Bunagana.
« Le Groupe d’experts a également obtenu des preuves confirmant le soutien actif apporté au M23 par certains responsables des UPDF et le commandement des services de renseignement militaires. Des sources de renseignement ont confirmé la présence d’officiers du renseignement militaire ougandais à Bunagana depuis au moins la fin de l’année 2023 pour assurer la coordination avec les chefs du M23, fournir de la logistique et transporter les chefs du M23 vers les zones contrôlées par ce mouvement », indique le rapport de l’ONU.
De plus, plusieurs sources ont rapporté avoir vu, le 27 janvier 2024, des soldats ougandais passer par Kitagoma pour se rendre en RDC et mener des opérations dans des zones contrôlées par le M23, notamment dans le groupement de Busanza et la ville de Rutshuru.
Récemment, le président rwandais a affirmé que les rebelles du M23 proviennent de l’Ouganda, confirmant ainsi l’implication ougandaise dans la déstabilisation de la partie orientale de la RDC.
Mont Carmel NDEO