Le prix Nobel de la paix 2018, Dénis Mukwege n’adhère pas à la démarche amorcée par la présidence angolaise visant à ouvrir des négociations directes entre les autorités congolaises et les rebelles du M23, dès ce mardi 18 mars à Luanda.
Pour étayer son argumentaire, l’ancien candidat président de la République a mis en exergue le contexte multidimensionnel du conflit armé en RDC, caractérisé par l’intervention directe du Rwanda, de l’Ouganda et du Burundi et l’implication des pays de la SADC et de l’EAC.
Au-delà de cet aspect, le Docteur Mukwege a évoqué le contexte économique de cette crise persistante avec l’implication des puissances étrangères et des acteurs clés de la mondialisation économique issus du secteur privé, qui, dit-il, ont des intérêts stratégiques pour les minerais critiques présents dans le sous-sol congolais, notamment dans le cadre de la transition numérique et énergétique, mais aussi dans les industries de la défense et du spatial.
« Ainsi, les efforts à déployer pour parvenir à une solution durable à la grave crise multidimensionnelle que traverse la RDC devront également avoir une forte dimension internationale », déclare d’emblée Dénis Mukwege pour qui « toute tentative de réduire le conflit en cours à un conflit interne en optant pour des négociations directes du gouvernement congolais avec le M23 constituerait une erreur de diagnostic majeure ».
« Une telle approche, menée en l’absence d’une Conférence internationale pour la paix en RDC, visant à galvaniser une volonté politique forte aux niveaux national, régional et international, pourrait s’apparenter soit à une méconnaissance des réalités des dynamiques existantes sur le terrain, soit à une trahison de la patrie », a-t-il averti.
Le fondateur de Panzi appelle par ailleurs, à la tenue d’une conférence internationale pour la paix en RDC. Selon lui, celle-ci aura pour objectif de revitaliser l’Accord-Cadre d’Addis-Abeba et de créer une plateforme de haut niveau visant à faciliter un dialogue constructif, à la hauteur des défis actuels.
De plus, Mukwege précise que cette conférence permettra d’aboutir à une feuille de route concertée, définissant des actions concrètes aux niveaux national, régional et international.
« Elle offrirait également l’occasion de mobiliser les moyens nécessaires pour sortir de la crise actuelle et jeter les bases d’un projet de paix durable en RDC, dans le cadre du Pacte social pour la paix promue sous l’égide de la CENCO et de l’ECC », a-t-il déclaré.
Dans cette même dynamique, le récipiendaire du Prix Sakharov 2014 insiste sur la mise en place de différents mécanismes de suivi de l’Accord-Cadre d’Addis Abeba pour garantir une mise en œuvre effective des engagements de toutes les parties.
Parallèlement, Dénis Mukwege exhorte la communauté internationale à maintenir la pression pour faire respecter les prescrits de la résolution 2773 du Conseil de Sécurité des Nations Unies.
Cette résolution adoptée à l’unanimité appelle les parties à un « cessez le feu immédiat et inconditionnel » et « demande à la Force de défense rwandaise de cesser de soutenir le M23 et de se retirer immédiatement du territoire de la RDC, sans conditions préalables ».
« Cette résolution est une avancée significative pour la paix en RDC et devrait jouir d’une préséance dans toutes tractations diplomatiques. Dialoguer sous la menace des armes reviendrait à institutionnaliser la loi du plus fort et à conférer une légitimité à l’agression et à l’occupation illégale », a-t-il salué.
Cet opposant souligne la nécessité de solidifier ce cadre international et de clarifier les différentes échelles de responsabilités à travers un sommet international de haut niveau avant d’envisager des négociations directes incluant tous les groupes armés, y compris le M23, la société civile, les partis politiques et le gouvernement congolais.
« Procéder autrement reviendrait à mettre la charrue avant les bœufs, une démarche qui risque d’accélérer et de légitimer la balkanisation de la RDC ou le processus en cours d’annexion des Kivus », a-t-il martelé.
Faisant d’une pierre deux coups, Denis Mukwege invite les acteurs impliqués dans la crise et dans les tentatives d’y mettre fin, d’éviter la répétition des erreurs du passé.
Mont Carmel Ndeo