Le Centre de Recherche en Finances Publiques et Développement Local (CREFDL) note qu’il suit attentivement le dossier « Forages », dont l’objectif est de servir de l’eau potable aux communautés locales de la République démocratique du Congo.
Tout en saluant la mise en détention des présumés coupables dans cette affaire, le CREFDL s’inquiète néanmoins de la tournure que prend l’enquête, ainsi que de l’autorisation de quitter le pays accordée à l’ancien Ministre des Finances Nicolas Kazadi.
Le CREFDL constate par ailleurs que la Loi de reddition des comptes exercice 2022, élaborée par le Ministère des Finances ne retrace aucun paiement des projets « Forages ».
Face cette situation, le Centre de Recherche en Finances Publiques et Développement Local (CREFDL) recommande à la justice congolaise de recourir à l’expertise de la Cour des Comptes en cas de besoin, pour des analyses approfondies de toutes les pièces comptables.
Voici l’intégralité du constat fait par le CREFDL sur le dossier « Forages » :
Le Centre de Recherche en Finances Publiques et Développement Local (CREFDL) suit attentivement le dossier ‘’Forages’’. Le projet est censé alimenter les communautés locales de la RD Congo en eau potable. Bien que le CREFDL apprécie la mise en détention des présumés coupables dans cette affaire, il s’inquiète néanmoins de la tournure que prend l’enquête. Ainsi, l’autorisation de quitter le pays accordée à l’ancien Ministre des Finances représente une fuite en avant et une manière de brouiller les pistes et de dissimuler les preuves d’un probable détournement des fonds publics. Cela étant:
- CREFDL constate que la Loi de reddition des comptes exercice 2022, élaborée par le Ministère des Finances ne retrace aucun paiement des projets « Forages ». Le total des paiements affectés aux investissements transférés en provinces publics s’élève à 756.180.000 FC (376.959,12 USD) contre les prévisions de 299.551.240.477 FC (149.327.637,32 USD), soit un taux d’exécution de 0,25%’. Alors que le montant décaissé dépasse largement celui renseigné dans les documents comptables ;
- La Loi relative aux finances publiques établie les responsabilités des acteurs engagés dans la chaîne de la dépense publique. Le Ministre des Finances est placé comme gestionnaire de la Trésorerie et de l’organisation des services du Trésor en ce qui concerne l’assignation des ordres des dépenses;
- Le Ministre de Développement rural a, dans le cas échéant, la qualité d’ordonnateur des dépenses de son ministère, mais le Ministre des Finances est à ce jour le seul qui assure cette fonction. Cependant, le Ministre de Développement rural voit son influence dans la chaîne des dépenses réduite faute de mise en œuvre du Budget-programme;
- Dans le circuit de la dépense publique, le Ministre des Finances dispose de 24h pour approuver ou rectifier l’état de priorisation d’un titre de paiement provisoire, L’argentier peut en dernier essor donner son avis favorable ou non avant d’émettre l’Ordre de Paiement Informatisé à la Banque Centrale du Congo. Malheureusement, depuis 2021 le circuit de la dépense publique ne fonctionne pas d’après le courrier de la Cour des Comptes du 13janvier 2023, référencée N°PPCC/TKG/623/2023 ;
- Dans son rapport de constatation de la reddition des comptes 2022, la Cour des Comptes dénonce le recours à l’arrêté interministériel N°291/CAB/MIN/FINANCES/2008 et N°36/CAB/MIN/BUDGET/2008 pour actionner, en violation de la LOFIP, le paiement sans l’émission des OPI toutes les dépenses d’investissement, seul document attitré pour autoriser la BCC à débiter le compte général du trésor;
- S’agissant du paiement en mode « d’urgence» des dépenses du projet « Forages », il ne revient donc pas au Ministre des Finances de déclencher la procédure, plutôt son collègue du Budget après vérification des pièces. Rappelons que cette procédure en mode urgence ne concerne que les dépenses militaires, les calamités ou les épidémies;
- CREFDL rappelle que si rien n’est fait, cette affaire risquerait de ressembler au projet des « maisons préfabriquées» des militaires, inscrit dans le programme des 100 jours du président de la République, dont 50 millions $ n’ont jamais été retracés et reversés à la caisse de l’Etat.
Face à cette situation, CREFDL recommande ce qui suit à la justice
- D’étendre son enquête tout en accédant à tous les Ordres de Paiement Informatisés (OPI)émis par le Ministre de Finances lors des exercices 2021-2023 et les Tableaux des Opérations Financières (TOF) pour établir les responsabilités de tous les acteurs intervenant dans la chaîne des dépenses publiques ;
- De recourir à l’expertise de la Cour des Comptes en cas de besoin pour des analyses approfondies de toutes les pièces comptables.
BLAISE BAYOMBO