Les pourparlers de Doha et la déclaration de Principes récemment signée entre la RDC et le Rwanda à l’initiative des USA, en vue d’aboutir à une paix durable dans l’Est de la RDC et à la normalisation des relations entre les deux pays, suscitent la méfiance. C’est en tout l’essence d’une lettre ouverte d’une frange d’intellectuels congolais au Président de la République, Félix Tshisekedi.
Dans cette lettre, ce groupe constitué de figures politiques et de défenseurs des droits humains tels que le Prix Nobel Denis Mukwege, le professeur Alphonse Maindo, Jean-Claude Katende, professeur Bob Kabamba et Dismas Kitenge, rappelle que la crise multidimensionnelle que traverse la RDC a longtemps été caractérisée par la négligence internationale.
Néanmoins, ont-ils reconnu, cette crise fait l’objet d’un intérêt en raison des rivalités géopolitiques pour l’accès aux immenses ressources minérales qui sont impératives pour la révolution numérique, la transition énergétique et l’industrie spatiale et de la défense.
Alors que l’administration américaine a convoqué le 02 mai prochain, un sommet tripartite au cours duquel Kinshasa et Kigali vont signer « un accord de paix », ces intellectuels expriment leur réserve sur les négociations en cours.
« Il est aussi pertinent de mettre en avant que les minerais stratégiques, parfois appelés minerais de sang ou de conflit, ont vocation à être transformés en minerais pour le développement et la paix », ont-ils déclaré.
« Les ressources naturelles dont regorgent notre pays peuvent contribuer à la paix, mais sous certaines conditions. Elles constituent les biens communs de la Nation congolaise, et doivent donc contribuer au bien-être du peuple aujourd’hui mais aussi pour les générations futures, à l’instar de modèle de gouvernance développé dans d’autres pays comme la Norvège », ont-ils ajouté.
Dénonçant l’opacité et le déficit d’inclusivité de la déclaration de Principes du 25 avril, Mukwege et ses compagnons appellent le Président Tshisekedi à la responsabilité.
« En prêtant serment à deux reprises sur notre Charte fondamentale, vous êtes bien placé pour savoir que la souveraineté nationale appartient au peuple (art 5). Vous savez aussi mieux que quiconque que tout accord ou arrangement qui aurait pour conséquence de priver la Nation de tout ou partie de ses propres moyens d’existence tirées notamment de ses richesses naturelles est érigé en infraction de pillage et que ces actes et leurs tentatives sont punis comme infraction de haute trahison (art. 56 & 57) », avertissent ces intellectuels tout en rappelant que les traités de paix, de commerce ou liés au règlement des conflits internationaux ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu’en vertu d’une loi (art. 214).
Dans ce contexte, ils exhortent le Chef de l’Etat congolais à ne pas brader les ressources au régime de Kigali dans le cadre de l’intégration économique régionale en gestation promue sous l’égide des USA. Ils ont à juste titre paraphrasé, les paroles du défunt Souverain Pontife qui avait exprimé son indignation sur le pillage des ressources naturelles de la RDC durant son séjour à Kinshasa.
« Après le colonialisme politique, un colonialisme économique tout aussi asservissant a été déclenché. En conséquence, ce pays largement pillé n’est pas en mesure de tirer suffisamment profit de ses immenses ressources : nous en sommes arrivés au paradoxe que les fruits de sa terre le rendent étranger à ses habitants…Retirez vos mains de la RDC, retirez vos mains de l’Afrique ! Cessez d’étouffer l’Afrique: elle n’est pas une mine à exploiter ni une terre à dévaliser », déclarait le Pape François.
Les signataires de cette missive invitent Tshisekedi à ne pas sacrifier les minerais congolais, à inclure la justice transitionnelle dans tous les efforts déployés pour restaurer et consolider la paix, à faciliter des consultations nationales impliquant toutes les forces vives du pays, y compris les élus de l’Assemblée nationale.
Somme toute, le Chef de l’État a été aussi appelé à s’engager à défendre exclusivement les intérêts du peuple congolais souverain lors de son prochain séjour à Washington.
Mont Carmel Ndeo